Allocution du Président du Centre Européen d’Etudes Bourguignonnes, Prague, le 19 septembre 2019

Monsieur le doyen de la Faculté des Lettres professeur Michal Pullmann, monsieur le professeur Martin Nejedly, monsieur le conservateur Jan Vojtisek, cher dr. Jaroslaw Svatek, 

Chers membres et amis du Centre Européen d’Etudes Bourguignonnes, liebe Gäste und Geschichtsinteressierte die an unserem jährlichen Treffen teilnehmen, geachte dames en heren,

C’est avec grand plaisir que j’introduis ces « 60ème Rencontres autour des contestations, subversions et altérités aux XIV-XVIème siècles ».

Je me réjouis quant au choix proposé par les organisateurs de ces rencontres.

Tout d’abord parce que la République tchèque et la Belgique sont intimement liés à l’histoire de la prestigieuse Maison de Habsbourg, sans aucun doute la plus prestigieuse de toutes les dynasties européennes, celle qui a régné le plus longtemps et dans des empires où le soleil ne se couchait jamais. En ce qui concerne la Belgique, la Maison de Habsbourg a régné dans nos provinces de 1477 à 1715 pendant la période dite bourguignonne puis espagnole et ensuite de 1715 à 1794 pendant la période dite autrichienne. Pour ce qui est de la Bohême-Moravie, la Maison de Habsbourg y a régné de 1526 à 1918, la Bohême conservant une autonomie jusqu’en 1620.

Ensuite parce que le Centre Européen d’Etudes Bourguignonnes devient de plus en plus européen en continuant à s’ouvrir sur le monde slave, après s’être ouvert sur le monde germanique à Münster puis à Vienne. 

Der zweite Grund meiner Freude ist also, dass wir uns nach der germanischen Welt noch weiter in Richtung Osten geöffnet haben, und zwar mit dieser Veranstaltung in der tchechischen Hauptstadt und der Nominierung von neuen Mitgliedern des europäischen Zentrums für burgundische Studien die aus diesem Teil Europas kommen.

La troisième raison de mon intérêt pour le thème retenu par les organisateurs est une raison familiale.

La Maison d’Arenberg  a également des racines tchèques. 

Tout d’abord, c’est le duc dit duc aveugle car il perdit la vue lors d’un accident de chasse dans le parc d’Enghien en 1775, Louis-Engelbert d’Arenberg qui se réfugie à Krumnau, aujourd’hui Cesky Krumlov (Bohême), chez sa fille Pauline qui avait épousé Joseph de Schwarzenberg après avoir quitté son duché d’Arenberg occupé par la France en 1794. 

Ensuite ce sera son fils aîné, Prosper-Louis. Après son mariage forcé avec Marie-Stéphanie Tascher de la Pagerie, une nièce de l’impératrice Joséphine, Prosper-Louis (1785-1861), 7ème duc d’Arenberg se remaria avec Marie-Ludmille (1798-1868) princesse de Lobkowitz, duchesse de Raudnitz le 26 janvier 1819 à Horzin, près de Prague. 

Les membres de la branche dite belge de la famille descendent de ce mariage.

Son cousin germain, Ernest d’Arenberg (1777-1857), fils unique du comte de La Marck, Auguste d’Arenberg, épousa en premières noces à Stiekna (Bohême) la comtesse Marie-Thérèse de Windisch-Grätz (1774-1841) avant d’épouser à Ödenburg (Hongrie) en secondes noces le 26 septembre 1842 la princesse Sophie d’Auersperg qui était née à Prague (1811-1901). 

Ernest s’installa en Bohême-Moravie et acheta des terres à  Widin et Kokorzin avec l’argent qui provenait de la vente de biens qu’il avait pu récupérer du séquestre français en 1807. Plus tard, il reçut l’Incolat de Bohême, ce qui lui permit de s’intégrer dans la haute noblesse tchèque. Il acheta un hôtel dans la capitale tchèque, rue Narozi Ulice, dans le Novi Mesto, le nouveau quartier de l’époque et  également d’autres propriétés en Styrie (Stadl), à Radein (Slovénie) et en Vénétie (Custozza).

Revenons maintenant aux thèmes qui vont nous occuper ces prochains jours, à savoir « contestations, subversions et altérités aux XIV – XVIème siècles et nous verrons bien si nos lointains ancêtres étaient plus doués que nous en la matière.

Si les conférenciers vont bien entendu s’attacher à décrire ce qui s’est passé dans l’espace bourguignon, j’en profiterai brièvement pour rappeler les évènements qui se sont déroulés plus ou moins à la même époque dans notre pays d’accueil.

Le royaume de Bohême fût officiellement créé en 1198 par Ottokar Ier de Bohême et reconnu par l’empereur Henri VI du Saint-Empire comme prince suzerain de Bohême. En 1204, l’empereur Otton IV (guelfe) reconnait le pouvoir d’Ottokar Ier sur le royaume de Bohême puis une bulle royale, la bulle d’or de Sicile, délivrée par Frédéric II de Hohenstaufen (gibelin) confirme l’élévation du duché de Bohême en royaume.  Le royaume de Bohême fait alors partie du Saint-Empire romain germanique comme les pays du Benelux. En 1310, Jean de Luxembourg épouse Elisabeth, fille et héritière du roi Venceslas II et sa famille coiffe alors la couronne royale de Bohême. 

Le roi de Bohême est l’un des sept princes-électeurs d’après la bulle d’or de 1356 où l’empereur Charles IV, fils de Jean, réussit à imposer un mode d’élection plus prévisible pour la dignité impériale. Charles IV est un grand roi et il règne sur la Bohême, la Moravie, la Lusace, la Silésie. Prague compte alors une quarantaine de milliers d’habitants.

A la mort de Charles IV en 1378, son fils Venceslas Ier lui succède mais il n’est pas à la hauteur de sa tâche.

Un prêcheur, Jan Huss, souhaite un retour à l’Eglise apostolique, spirituelle et pauvre et trouve quelque appui dans la noblesse qui espère s’attribuer les dépouilles du clergé. La Bohême devient hussite et ses partisans se divisent après la mort du prédicateur qui finit sur un bûcher au concile de Constance en 1415 malgré les promesses de sauf-conduit. 

Les Utraquistes pragois appartiennent au clan des hussites modérés tandis que les radicaux se font appeler Taborites.

A la mort de Venceslas en 1419, l’empereur Sigismond Ier lance les croisades contre les hussites qui déchirent le pays entre 1420 et 1434. Les Hussites sont menés par de grands chefs de guerre, Jean Zizka (mort en 1424) et Procope le Grand et leurs victoires forcent les Impériaux à une paix de compromis. 

Les Taborites sont ensuite battus par une alliance entre hussites modérés et catholiques à la bataille de Lipany (1434) qui s’entendent finalement en 1458 pour élire Georges de Podebrady sur le trône de Bohême. Le trône passe alors aux Jagellons et quand Louis II est tué à la bataille de Mohacs en 1526, Ferdinand Ier, frère et successeur de Charles-Quint à la couronne impériale (ils sont également les beaux-frères de Louis II) est élu roi de Bohême qui conserve son autonomie.

A la fin du XVIème siècle, la majorité de la population a adhéré au protestantisme. L’empereur Rodolphe II  leur donne des garanties sur la liberté religieuse en 1609 mais son frère Mathias qui lui succède est sans enfants. Afin de conserver le trône de Bohême dans le giron de la Maison de Habsbourg, Mathias abandonne le trône à son cousin germain, Ferdinand de Styrie, le futur Ferdinand II, catholique zélé qui veut faire rentrer la Bohême dans le droit chemin. Les Tchèques se révoltent, on défenestre les représentants de l’empereur en 1618 mais l’électeur palatin, Frédéric V,  le roi d’un hiver, qui a remplacé Ferdinand est défait par le comte de Tilly le 8 novembre 1620 à la fameuse bataille de la montagne blanche. La Bohême perd son autonomie et devient une possession héréditaire de la Maison de Habsbourg. L’Allemand s’impose comme langue officielle de l’administration et le catholicisme est remis en selle. Les biens des nobles protestants sont confisqués au profit des partisans de l’empereur.

Mais la perte de la qualité d’électeur de Frédéric V au profit de son cousin catholique Maximilien de Bavière en 1619 ne peut laisser les princes protestants indifférents et c’est le début de l’abominable guerre de trente ans qui va décimer le St Empire et réduire sa population d’un tiers, la phase la plus sanglante de cette guerre débutant avec l’intervention des catholiques français du cardinal de Richelieu qui n’hésitèrent pas à se ranger aux côtés des protestants allemands avec l’intention d’affaiblir l’empereur Ferdinand III et l’empire tout entier, objectif qui fût pleinement atteint au traité de Westphalie en 1648.

A la fin du XIXè siècle, suite au compromis austro-hongrois de 1867 qui sauve la monarchie habsbourgeoise, les Tchèques demandent à l’empereur François-Joseph Ier un statut similaire à celui des Hongrois avec l’octroi de l’autonomie au royaume de Bohême. 

Mais cette demande sera finalement rejetée quatre ans plus tard en raison de l’opposition des Allemands de Bohême-Moravie et du gouvernement de Budapest.

Mesdames, messieurs, chers professeurs, liebe Gäste und Freunde des europäischen Zentrums für burgundische Studien, 

Je termine cette brève introduction qui a planté le décor et rappelé certains faits aux visiteurs et personnes intéressées qui ne sont peut-être pas aussi à l’aise dans la thématique que les brillants conférenciers qui vont se succéder à cette tribune au cours des jours qui viennent.

Je vous souhaite de belles journées dans la prestigieuse capitale tchèque et remercie la Faculté des Lettres de l’Université Charles ainsi que tous les organisateurs de ces journées, en particulier les très dévoués secrétaires généraux du C.E.E.B, le professeur Alain Marchandisse et le conservateur Gilles Docquier ainsi que le dr. Jaroslav Svàtek et le professeur Martin Nejedly de l’Université Charles qui ont magnifiquement contribué à faciliter notre séjour sur place.

Tous les quatre  méritent nos applaudissements.

Ich wünsche allen Teilnehmern schöne und interessante Tage in der tchechischen Hauptstadt und bedanke mich noch einmal sehr herzlich bei den Organisatoren dieser Konferenz.

Et je vous fixe d’ores et déjà rendez-vous pour les 61ème rencontres du Centre Européen d’Etudes Bourguignonnes qui auront lieu à Enghien, Belgique du 24 au 27 septembre 2020.

Duc d’Arenberg, président du C.E.E.B
Prague, 19.9.2019